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ATELIER 3 : VIES DE TRAVAIL ET CONDITIONS D'EMPLOI
Droit de l'emploi et conditions de travail
MICHEL MINÉ (LES VERTS)

Les conditions d'emploi sont souvent génératrices de dégradation de la santé, du fait notamment de l'intensification du travail et de la précarité qu'elles entraînent. Le droit, encore trop rarement mobilisé sur la question de la santé au travail, avant d'être une ressource pour l'action offre une grille de lecture de situations relevant de ce phénomène. En voici quatre illustrations (non exhaustives et non hiérarchisées).

1. Le risque de licenciement. Contrairement aux propos de certains, il est très facile pour un employeur de licencier un salarié dans le secteur privé. Et surtout les conséquences d'un licenciement injustifié sont limitées pour l'employeur. En effet, en cas de licenciement « sans cause réelle et sérieuse », l'employeur sera le plus souvent seulement condamné à verser au salarié des dommages-intérêts : au minimum 6 mois de salaire (et seulement si le salarié a au moins 2 années d'ancienneté et si l'entreprise occupe plus de 10 salariés). Dans les faits, ce minimum légal devient souvent la règle (cf. jugements des conseils de prud'hommes). Ainsi, licencier un salarié est peu coûteux (sauf dans le cadre des « grands licenciements économiques » avec plans sociaux qui ne constituent qu'une minorité des licenciements). L'employeur n'est pas condamné à « réintégrer » le salarié en cas de licenciement « abusif ». Par conséquent, dans le secteur privé, en particulier dans les entreprises de petites tailles occupant la majorité du salariat (et où sont concentrées les femmes salariées) et inorganisées syndicalement, les salariés vivent avec une épée de Damoclès en permanence au dessus de la tête : le risque du licenciement (et la peur du chômage pour toute une partie des salariés) est constant. Ce risque est un facteur de peur, de stress, de mal vivre au travail et dans l'ensemble de la vie personnelle. Sous l'ancienne législature, j'avais proposé lors du débat sur la loi dite de « modernisation sociale » (janvier 2002), un amendement prévoyant qu'en cas de licenciement injustifié le salarié ait le droit d'obtenir, s'il le souhaite, la poursuite de son contrat de travail dans l'entreprise (Marie-Hélène Aubert avait défendu cet amendement repoussé à la demande de la ministre du travail, le directeur de cabinet de la ministre m'avait indiqué que l'amendement était juridiquement inattaquable… Mais que le Medef ne pouvait pas l'accepter…). Ce type d'amendement est défendu par des juristes (universitaires, avocats…) depuis 1973, une telle règle (la nullité du licenciement injustifié) existant dans la législation de différents pays (Allemagne et Italie - où elle est remise en cause par les actuels gouvernements, au Japon, etc.). Actuellement, le droit prévoit la nullité des licenciements discriminatoires ou attentatoires à des libertés publiques et des licenciements réalisés à l'issue de plans sociaux (insuffisants en matière de reclassement).

2. La sous-traitance. La politique de sous-traitance s'exprime différemment suivant les secteurs d'activité (nettoyage - restauration, informatique, maintenance, production industrielle, transports, bâtiment, etc.). Ce phénomène, qui existe au niveau mondial entre Etats et entreprises installées dans différentes régions, a des effets négatifs sur la santé. De plus en plus, les grandes entreprises, « donneurs d'ordre », dans leur recherche de profit, « externalisent » un nombre croissant d'activités et par le même biais transfèrent sur les entreprises sous-traitantes (en France, en Europe, dans le monde) leurs risques (politiques de flexibilité externe). Les entreprises donneurs d'ordre imposent leurs cahiers des charges : les méthodes de travail, les augmentations de productivité à réaliser, etc. Les salariés des entreprises sous-traitantes subissent donc ces contraintes en disposant le plus souvent de marge de manœuvre de négociation très réduite avec leur employeur. Jusqu'à présent les négociations collectives ont trop largement ignorées ces réalités qui dessinent les « nouvelles frontières de l'entreprise ». Ces politiques de sous-traitance sont de plus en plus souvent « sauvages ». Le Code du travail les perçoit presque exclusivement à travers quelques règles éparses concernant la santé au travail et en ce qui concerne la sous-traitance illicite (cf. le marchandage et le prêt de main d'œuvre à but lucratif - hors travail temporaire, le salarié transformé en faux « travailleur indépendant » et soumis aux exigences de son ancien employeur sans plus disposer du statut de salarié…). Ces modalités de sous-traitance génèrent une aggravation des risques d'accident mais sur le plan des condition d'emploi elles sont aussi un facteur de dégradation de la santé.

3. La discrimination. La discrimination est un phénomène massif, aux racines anciennes. Dans notre société contemporaine, des personnes du fait de leur être ou de leur agir (parce qu'elles sont femmes, ou d'origine étrangère, etc.) subissent des préjudices (refus d'embauche, de reconnaissance des compétences, de promotion, d'accès à la formation professionnelle qualifiante, inégalité de rémunération, affectation ghettos, etc.). La discrimination, intolérable pour les personnes concernées, a été, jusqu'à présent, en fait très bien tolérée par l'ensemble de la société, elle est souvent banalisée. L'action contre la discrimination dispose de ressources juridiques performantes mais leur mise en oeuvre est rendue difficile par le fait qu'elle remet en cause la manière de penser sa relation à l'Autre (jusque dans sa vie personnelle). Les discriminations vécues au quotidien, qui ont des incidences dans le travail et au-delà, ont des effets négatifs sur la santé (des cours et tribunaux commencent à reconnaître l'impact négatif sur la santé de la discrimination : cf. affaire de discrimination raciale à la RATP, cf. affaire Michel Buisson de discrimination syndicale à Carrefour). Les organisations du travail discriminantes (sexistes et/ou racistes, etc.) dégradent la santé. Par conséquent, la santé au travail implique la remise en cause des schémas culturels discriminants (en particulier de la « domination masculine ») et la pleine reconnaissance des compétences des personnes « différentes » (du référent dominant : homme, blanc, en bonne santé, etc.), à travers des actions pour « l'égalité de traitement » (avec des « actions positives » temporaires et de rattrapage, notamment au bénéfice des femmes ayant été discriminées).

4. Les conditions contractuelles. La flexibilisation de la relation de travail, c'est-à-dire le transfert de risques de l'entreprise sur le salarié, est opérée par le biais de clauses inscrites dans le contrat de travail (clause de mobilité, de non-concurrence, d'objectifs, de variabilité des horaires, etc.). Ainsi, le rémunération du salarié et parfois même son emploi vont de plus en plus souvent dépendre de la réalisation d'objectifs. Le contrat de travail devient un outil pour accroître le champ et l'intensité de la subordination du salarié à l'égard de l'employeur. Dans ces situations, le salarié connaît une situation d'insécurité juridique croissante, préjudiciable à sa santé.

Pour le moment, alors que cette politique de contractualisation de contraintes pour le salarié se généralise, les seuls limites existantes ont été posées par la jurisprudence à l'occasion de litiges « individuels » (et par de rares accords collectifs). La jurisprudence, par exemple, considère qu'une insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement (il convient de vérifier que les objectifs ont été négociés, qu'ils sont réalisables au regard de l'état du marché et des moyens dont dispose le salarié…) et paralyse parfois des clauses contractuelles (mobilité, horaires, etc.) au regard des incidences négatives sur la vie personnelle et familiale (en particulier de femmes salariées). La négociation collective dont la fonction est de rétablir une certaine égalité entre l'employeur et le salarié est pervertie : elle est désormais utilisable pour accroître la subordination du salarié et cette tendance observable depuis la réforme de 1982 risque de s'intensifier fortement avec la réforme du dialogue social de 2004.

La réflexion et l'action écologiques pour l'amélioration des conditions de travail et de vie et la sauvegarde de la santé impliquent la prise en compte de l'importance déterminante des conditions d'emploi pour obtenir un effet utile.

Michel Miné, professeur-associé en droit privé (Université de Cergy-Pontoise), adhérent Vert, Dernier ouvrage : Droit du temps de travail, L.G.D.J., janvier 2004. michel.mine@iutc.u-cergy.fr

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